25 juin 2007 | Le Pays d’Auge conquis par la Roumanie
Deux semaines après Hébécrevon, dans la Manche, c’est au tour de la commune de Courtonne-la-Meurdrac (Calvados) d’accueillir le débat sur la Roumanie. Ce n’est pas la première fois que ce pays y est présent, les photographies accrochées au mur de la salle des fêtes en témoignent. En effet, cette commune est jumelée depuis 1990 avec le village de Filipasti de Padure dans la région de Sat Minierie en Roumanie. Malgré une pluie battante, 45 personnes étaient présentes dont Jacques d’Halluin, maire de Courtonne-la-Meurdrac et de Bernard Aubril, maire de Lisieux, Président de Lisieux Pays d’Auge et Vice-président du conseil général. Les cinq jeunes, Aurélie, Christophe, Chloé, Damien et Pierre ont partagé leurs expériences de dix jours dans les campagnes roumaines.
Les thèmes de l’exode rural, des contrastes entre les différentes exploitations agricoles et leur capacité de développement, des possibles pistes de développement (le bio, l’écotourisme ou les grands marchés agricoles), de coopération, de la présence de l’Union Européenne ont été abordés en particulier à travers différents films.
Ces derniers portaient sur leur arrivée à Bucarest, la présentation de trois fermes de la région Bucovine, la comparaison de deux exploitations agricoles de Transylvanie, le constat de réelles solidarités et le développement de l’agrotourisme dans les villages.
De même, les questions (sur le climat, l’autosuffisance des fermes, l’écotourisme, la gestion des déchets…), les anecdotes de l’assistance (sur les conditions de leur premier voyage en 1990, sur l’accueil de la population) ont enrichi les problématiques soulevées. Enthousiaste, le public souhaiterait renouveler ce rendez-vous dans quatre, cinq ans, afin de voir l’évolution de la ruralité et de la présence européenne en Roumanie.
15 juin 2007 | Soirée bulgare dans le Bessin
C’est à la ferme de Varembert près de Bayeux, que s’est déroulé le vendredi 15 juin le second débat public sur la Bulgarie. Environ trente-cinq personnes dont Inouk Faugère, le représentant de la Commission européenne et Pascale Cauchy, la conseillère régionale en charge de la coopération décentralisée étaient présentes autour de Marion, Pauline, Timothée, Erik et de deux représentants des organisateurs Sylvie et Frédéric, chargés de l’animation de la soirée.
Ces quatre jeunes ont partagé leurs expériences d’une semaine à Beli Iskar, village bulgare de 900 habitants, à travers films et anecdotes. Tout d’abord, un micro-trottoir réalisé au marché de Caen sur le thème de l’Union Européenne et de la Bulgarie a mis en appétit l’assistance. Un diaporama de photos couleurs et noirs et blancs sur le village et des interviews de maires ont poursuivi la dégustation tandis qu’une présentation détaillée des membres de la famille Galeva, de leur maison, de leurs activités constituait le plat principal. Enfin, en fromage et dessert, les craintes et les espoirs des habitants suscités par l’UE ont été détaillés. De leur côté, les convives ont abordé différents thèmes de discussion (le pouvoir économique des Bulgares, leur démographie, la présence tzigane, les études des jeunes, la corruption, le poids de la famille, le passé communiste dans ce pays). Les questions des subventions agricoles européennes et la possibilité d’une agriculture durable ont également été soulevées. Plus tard dans la soirée, des conseils s’échangeaient même pour organiser son propre voyage en Bulgarie…
14 juin 2007 | Près de 80 personnes à la découverte de la Bucovine et de la Transylvanie
Vers 20h30, jeudi 14 juin 2007, le débat sur la Roumanie a attiré presque 80 personnes à Hébécrevon à la périphérie de St Lô pour le premier des six débats publics. Les deux groupes de jeunes Aurélie, Pierre, Christophe et Chloé, Damien, partis dix jours en avril en Roumanie ont partagé avec passion et sens critique leur découverte des campagnes roumaines.
Tour à tour, ils ont diffusé leurs films : présentation de trois familles de la région Bucovine ; comparaison de deux exploitations agricoles de Transylvanie ; mise en avant de la solidarité et de l’agrotourisme dans les villages. Les participants, pour certains sensibilisés à ce pays (via des associations de jumelage et un programme de coopération européenne entre le département de la Manche et le département d’Alba en Roumanie) et la présence d’élus Gilles Quinquenel, maire d’Hébécrevon, président du pays et Vice-président du Conseil général de la Manche, Jean-Karl Deschamps et Yannick Soubien, Vices-président de la Région et d’une Roumaine ont donné une dynamique à ce débat. Les interrogations et anecdotes, de natures différentes, ont tout d’abord porté sur des questions agricoles (la formation des jeunes agriculteurs, les retraites des paysans, le nombre d’hectare moyen des exploitations agricoles). Des problématiques européennes ont également été soulevées (l’adaptation des fermes aux normes sanitaires, les espoirs et craintes des habitants, le plan SAPARD).
Enfin, le pays lui-même a suscité des remarques (présence ou non d’organisations économiques, de syndicats ; la démographie et la production viticole du pays ; leur image de la France). A la suite du débat, autour d’un verre de cidre, certaines personnes ajoutaient qu’elles appréciaient de pouvoir découvrir l’agriculture d’un pays, de comparer avec la France, de mieux appréhender l’Union Européenne. « L’Europe, ce ne sont pas que des aides mais aussi des jeunes qui découvrent et se forment dans la paix » conclut une personne de l’assistance.
Oprea, éleveur de vaches à Marin
Notre reportage sur l’agriculture en Roumanie n’aurait pu être complet sans la visite d’un petit village isolé, comme celui de Marin, situé à plus de 90 minutes de Cluj. Des rencontres émouvantes d’agriculteurs qui se sentent oubliés par l’Union européenne.
« Quand tu rentreras en France, dis aux grosses têtes de l’Europe de ne pas nous oublier. » C’est en me regardant droit dans les yeux, que Oprea a prononcé cette phrase, et que je lui ai promis de faire mon possible pour les paysans de son village. Il pose ses mains calleuses sur mon épaule. Elles sont les témoins d’une vie de dur labeur, souvent mal récompensé.
« J’étais chef dans une ferme d’Etat pendant la période de collectivisme, nous confie-t-il. Nous avions du matériel agricole que même les Français ne connaissaient pas. » Aujourd’hui, il ne peut plus développer son exploitation. Il vend le lait de ses vaches à une entreprise de Cluj, qui le lui achète environ 0,5 lei le litre, soit moins de 15 centimes d’euro. « En France, on achète votre lait beaucoup plus cher. Même si on est pauvres, même si on est bêtes, on est des travailleurs. On a de mauvaises conditions de vie parce que nous ne sommes pas aidés de la même façon que les agriculteurs français. »
Oprea me confie qu’il aurait aimé découvrir la France, mais que ce n’est pas possible à cause de la différence entre nos niveaux de vie. « Toi, tu peux venir ici pour voir comment nous vivons. » Il touche l’appareil photo que je porte en bandoulière en m’expliquant que ses 35 années de labeur ne lui permettent pas de posséder ce que j’ai à 25 ans. Il me parle de sa fille, qui a dû partir en Sicile pour financer ses études, et qui touche 600 euros par mois pour faire le ménage.
Souvent, il me questionne : « Penses-tu que je ne ferais pas un bon paysan en France ? ». Il vient d’acheter un tank pour réfrigérer le lait de ses 13 vaches laitières, qui doit être maintenu entre 4 et 6 degrés pour en assurer la conservation. Il lui a coûté 2000 euros, un investissement très lourd pour une exploitation aussi petite. Les terres sont morcelées, ne permettant pas d’obtenir de subventions. Les fonds de développement européens ne sont pas non plus accessibles pour les paysans de Marin, qui n’ont pas les investissements suffisants pour cofinancer un projet d’extension. Quelle est donc la solution pour ces petits paysans, dont la surface des terres est comprise entre 200 et 900 ares ? Quelle solution pour conserver la vie dans ce village, qui vit principalement grâce à la fabrication de Tuica, liqueur à base de prunes qui ne sera plus commercialisable dans les mois à venir, à cause des règles imposées par l’Europe ?
« Les villages se vident. L’exode rural est une réalité ici depuis plusieurs années » nous explique M. Fitiu, professeur à l’Université agronomique de Cluj et responsable d’une entreprise de conseil qui gère les dossiers SAPARD. Sa principale peur, c’est que le village perde son âme avec l’arrivée de populations immigrées. Il a décidé de se battre et tente de racheter des terres, selon ses moyens, car il refuse que les paysans roumains, exploités dans toute l’Europe, deviennent des esclaves dans leur propre pays.
Oprea, lui, jure que s’il avait 30 ans et qu’il pouvait bénéficier des mêmes aides que les fermiers français, il aurait fait beaucoup mieux qu’eux, c’est sûr ! Devant nous, un poulet évolue fièrement devant les poules, sur le bord de la route. Oprea nous demande si en France, nos poulets sont aussi beaux. Il ironise sur l’élevage de la volaille en batterie et de la faible qualité de la viande que ce type de production induit. Après deux heures d’entretien, Pierre et moi nous retrouvons seuls avec Oprea dans sa cuisine. Il nous regarde, sans dire un mot. L’émotion est palpable. Puis, il hausse les épaules et nous raccompagne. Il me serre la main, puis la scrute, jette un œil sur son poulet, puis repose son regard sur moi, en me demandant si en France, on nous élève comme les poulets, en batterie. Nous rions de bon cœur, marqués par les inquiétudes d’un paysan du bout du monde, ni bête, ni intelligent, mais qui a su par ses paroles nous toucher au plus profond de nos êtres.